Deux questions se posent dans le cadre de ce débat :

Y-a-t-il réellement un manque de flexibilité ?
L’augmentation de la flexibilité est-elle la clé pour résoudre le problème du chômage ?

Qu’est ce qu’une main d’œuvre flexible ?

Par définition, une main d’œuvre parfaitement flexible est une main d’œuvre que l’on serait en mesure de mobiliser en fonction de La charge de travail.

Un exemple concret est celui des intermittents du spectacle que les sociétés de production ne mobilisent et ne paient que lorsque un travail doit être réalisé. La nécessité de maintenir un vivier disponible de main d’œuvre qualifiée, imposant de facto la mise en place d’un régime d’indemnisation dont on sait qu’il est déficitaire.

Cet exemple est d’autant plus intéressant qu’il montre qu’il y a deux options :

Celle de mettre en place un régime d’indemnisation « général » calqué sur celui des intermittents du spectacle. Cette hypothèse n’est vraisemblablement pas viable.
Celle d’être beaucoup plus parcimonieux avec les indemnisations des salariés ce qui veut dire in fine de précariser leur situation avec toutes les conséquences négatives associées.

Y-a-t-il réellement un manque de flexibilité ?

Dans la réflexion, il faut distinguer trois types d’entreprises :

les TPE et les petites PME (typiquement ayant moins de 50 salariés) ;
les moyennes et grosses PME ;
les grandes entreprises du CAC 40.

La flexibilité du travail n’est depuis longtemps plus un problème pour les grandes entreprises qui ont très largement recours à la sous-traitance et à des consultants (titulaires de contrat à durée indéterminée dans leur entreprise) dans différents domaines (informatique, juridique, commercial, technique …).

Pour les TPE et les petites PME, la flexibilité est parfois plus un risque qu’une opportunité pour l’entreprise (hormis peut-être pour les petits commerces). Nombre de petites entreprises rencontrent de grandes difficultés à attirer des profils adaptés à leur activité. Elles doivent ainsi souvent consentir à investir fortement dans la formation initiale de leurs salariés et leur adaptation au poste de travail. Elles n’ont ainsi aucun intérêt (même dans les périodes les plus délicates) à se séparer de salariés sur lesquels elles ont largement investi. Par ailleurs, si la rupture de contrat par l’employeur est facilitée, la réciproque doit être vraie et pourrait ainsi mettre un dirigeant de TPE ou de petite PME en grande difficulté d’autant plus qu’il est très difficile pour lui de donner à ses salariés des perspectives d’évolution de salaires et de responsabilités susceptibles de les fidéliser à l’entreprise.

Pour les moyennes et grosses PME qui auraient besoin de compléments ponctuels de main d’œuvre, la solution des contrats à durée déterminée ou d’intérims tels qu’utilisés aujourd’hui n’est parfois pas suffisante. Il convient donc d'apporter des solutions dans ce domaine.

L’augmentation de la flexibilité est-elle la clé pour résoudre le chômage ?

Compte tenu de la situation des finances publiques, l’Etat ne sera pas en mesure de mettre en place un régime d’indemnisation permettant d’éviter la précarisation des salariés induite par une plus grande flexibilité du travail.

L’argument mis en avant est que la flexibilité va permettre d’augmenter la compétitivité des entreprises et que le « plein emploi » qui va en résulter rendra caduque la nécessité d’une protection du salarié qui sera en mesure de retrouver facilement un emploi.

L’évolution du marché du travail de ces dernières années montre que la perspective du plein d'emploi est une perspective de moyen voire de long terme et qu'il n'est pas possible de mettre en place un modèle à partir d'un future hypothétique.

La question du licenciement

Concernant le licenciement, trois situations doivent être considérées :

le salarié a commis une faute grave. Son licenciement n’est pas discutable.
l’entreprise connait des difficultés et souhaite licencier pour des raisons économiques. Ce cas de figure est le plus difficile à traiter car la tentation est grande pour une entreprise d’utiliser l’argument économique pour licencier. Par ailleurs, l’entreprise ne peut pas occulter le caractère naturellement cyclique des marchés et doit donc s’y préparer. La solution du licenciement ne doit pas être la solution de facilité.
le salarié n’est pas suffisamment performant au goût de l’entreprise. Dans les faits très rares sont les grandes entreprises qui se séparent d’un salarié peu ou pas performant. Pour le reste, une période d’essai renouvelable dont la finalité est de tester la performance du salarié est déjà prévue et on peut éventuellement discuter d’une augmentation de sa durée. En outre, le maintien de la performance réside aussi dans l’investissement que l’entreprise consent à la formation de ses salaries.

Donner de la visibilité concernant les jugements rendus par les prud'hommes a du sens. Il faudrait toutefois sans doute définir une part fixe et un part variable. La part variable permettant de tenir compte de la spécificité de la situation.

Conclusion

Le Contrat à Durée Indéterminée et un encadrement de la durée du travail ne sont pas les responsables de tous les maux et du chômage tel que nous le connaissons.

La véritable équation à résoudre est celle d’un côté de garantir la disponibilité d’une main d’œuvre compétente et productive et de l’autre côté celle de disposer de mécanismes qui permettent aux entreprises d’amortir les variations de charge de travail.

Les entreprises doivent par ailleurs faire des choix qui consistent ni plus ni moins qu'à optimiser leur modèle économique :

Soit l’entreprise considère que la main d’œuvre n’est pas interchangeable (qu’elle ne sera pas en mesure de mobiliser les compétences requises en cas de pic d’activité), alors l’entreprise doit accepter de conserver cette main d’œuvre y compris dans les périodes de creux d’activité ; ou alors l’entreprise considère que la main d’œuvre est interchangeable (qu’elle n’aura aucune difficulté à mobiliser les compétences requises en cas de pic d’activité et que la mobilisation de cette même main d’oeuvre par une entreprise concurrente ne l’expose pas à des risques de transfert de savoir-faire) ; alors des solutions existent déjà (sous-traitance, consultants …).
Soit l’entreprise considère que des horaires particuliers (ouverture le dimanche, activité de nuit ou de week-end …) sont importants pour le chiffre d’affaires de l’entreprise et alors elle doit accepter de payer les surcoûts associés ; ou bien elle considère que le bilan économique n’est pas suffisamment positif et donc de se limiter à des horaires d’ouverture classiques.

Quelques solutions qui pourraient être envisagées:

Les variations d’activité sont inhérentes à quasiment tous les marchés et doivent être prévues par les entreprises dans leur fonctionnement et leur permettre de conserver leurs salariés. Par exemple, on pourrait imaginer mettre en place un compte épargne « activité » abondé par l’état pour inciter les entreprises à épargner dans les périodes de fortes activités pour payer les salaires dans les périodes plus difficiles.

Nous pourrions également imaginer une période "tampon" qui fait suite à la déclaration de l’entreprise de ses difficulties financières à partir de laquelle les pouvoirs publics pourraient entrer en scène pour diminuer et préparer au mieux les risques de suppressions d’emplois. Cette période pourrait permettre de mettre en place un accompagnement spécifique (aide à la prospection commerciale, réduction des charges, formation des salariés …) pour à la fois éviter les licenciements économiques et si non tout au moins préparer les salariés à être de nouveau sur le marché du travail avec des compétences plus adaptées aux attentes de ce marché du travail.

Concernant les évolutions salariales dans les TPE et les petites PME et s’agissant des difficultés à proposer des évolutions de carrières dans ces entreprises ; nous pourrions imaginer pour ces entreprises, une baisse des charges avec le temps conditionnée à une augmentation des salaires.

Concernant enfin l'utilisation de consultants par les PME, nous pourrions imaginer des avantages qui leur permettent de mobiliser des consultants (charges réduites ...) par rapport aux grandes entreprises du CAC 40 .